Bonjour à toutes et à tous,
À l'occasion de Octobre Rose, je me suis dit que c'était le moment de vous partager mon histoire. Celle qui a commencé avant ma naissance mais que je n'ai découverte que bien plus tard.
Cela faisait des années que je savais que ma famille était sujette à une mutation génétique, mais je n'avais jamais retenu laquelle. Je savais seulement qu'il fallait que je me fasse dépister à l'aube de mes 30 ans. Ç a m'a toujours un peu travaillé, mais je crois que je n'avais pas envie de savoir, je n'étais pas prête à prendre cela au sérieux.
Lors d'un rendez-vous annuel avec ma gynécologue, elle me reparle de cette fameuse mutation dont je lui avais "touché 2 mots" - sans trop savoir laquelle était-ce -, elle voulait savoir si je m'étais penchée dessus et si j'avais le fameux courrier familial qui demandait un dépistage. La réponse était bien évidemment non. À l'époque, j'avais juste retenu que ça touchait les femmes et que c'était lié à l'organe reproducteur. Quand j'ai mentionne le col de l'utérus, ma gynéco m'a dit que cela n'était pas possible, qu'aucun gène n'avais été mis en avant pour ce cancer.
Après un moment de flottement, et voyant ma trentaine arriver, j'ai trouvé le courage de demander à mon père ce fameux courrier. Effectivement, j'étais à côte de la plaque, cette mutation génétique, appelée BRCA, touchait les seins et les ovaires. À partir de là, j'ai décidé de fonctionner en pilotage automatique et de contacter le centre anti-cancer le plus proche de chez moi afin de commencer les recherches.
La mutation BRCA, qu'est-ce que c'est ?
"On estime qu’environ 2 femmes sur 1000 sont porteuses d'une mutation du BRCA1 ou du BRCA2.
Ces deux gènes participent à la réparation des lésions que l’ADN subit régulièrement. La présence de mutations dans l’un de ces deux gènes perturbe cette fonction et fait augmenter fortement le risque de cancer du sein et de l’ovaire. Néanmoins, toutes les femmes porteuses de ces mutations génétiques ne développeront pas systématiquement un jour un cancer du sein.
La mutation de ces gènes augmente le risque de développer :
- Un cancer du sein à un âge jeune, habituellement avant la ménopause. Chez une femme porteuse d’une mutation du BRCA1 ou du BRCA2, le risque de cancer du sein varie de 40% à 80% au cours de la vie, selon les études, le type de gène concerné, l'histoire familiale de cancer du sein, et l'âge ;
- Un cancer dans les deux seins (cancer du sein bilatéral) ;
- Un cancer de l'ovaire, essentiellement à partir de 40 ans. Ce risque varie selon le gène et l'histoire familiale.
Plus précisément, les mutations des gènes BRCA augmentent les risques de cancers de la manière suivante (Antoniou et al – Am. J. Hum. Genet. 2003 ; 72 :117-30 ) :
Risque de cancer avant 70 ans :
- Sein : 40 à 85% contre 10% dans la population générale
- Ovaire : 10 à 63% contre 1% dans la population générale
Risque en fonction du gène touché :
- BRCA1 : sein 65% et ovaire 45%
- BRCA2 : sein 45% et ovaire11%" Source : Institut National du Cancer
C'est donc comme ça, que je me suis retrouvée à avoir une "carte de fidélité" à l'Institut Bergonié à Bordeaux - j'aime l'appeler comme ça car elle est obligatoire pour avoir accès à ses rendez-vous -
Après un rendez-vous avec une généticienne et une prise de sang - où 3 infirmières ont mis 45 minutes à trouver une veine... autant vous dire que mon corps n'était pas ok pour avoir une réponse ! - Je me suis retrouvée dans l'attente. La vie me laissait peu de chance de ne pas être touchée par cette mutation, 50% de chance d'avoir une mauvaise nouvelle, autant vous dire qu'on se prépare au pire.
Après environ un mois d'attente, un peu plus tôt que prévu, je reçois un message : mes résultats sont arrivés et je dois voir la généticienne pour les découvrir. Jusque là, pas de "panique", on m'avait prévenu que peu importe le résultat, il fallait repasser par la case généticienne pour avoir les résultats. Cependant, ça a été un peu plus rapide que le délai annoncé et pour moi, c'était mauvais signe.
Mon amoureux m'accompagne à ma consultation et les résultats tombent : je suis atteinte par cette mutation. Au fond, je m'y attendais. En même temps, une chance sur deux, ça ne laisse pas beaucoup d'espoir. Puis, j'ai toujours eu la poisse alors...
À partir de là, s'enchaînent les rendez-vous - et j'avoue ne pas en avoir vraiment souvenir mais je sais que j'ai vu une gynécologue et une psychologue - On me propose deux "solutions" :
- la moins invasive : un suivi IRM, mammographie et échographie au moins une fois par an ainsi qu'un rendez-vous gynécologies entre afin d'avoir un suivi palpation.
- la plus invasive : une double mastectomie - ciao les seins - avec une reconstruction mammaire en suivant. Le risque est alors quasi inexistant - il reste toujours un risque si jamais tout n'a pas été parfaitement retiré lors de la mastectomie -
Si vous me suivez, vous devez déjà savoir que j'ai choisi la 2ème option, la plus invasive, et mon choix a été plutôt rapide ayant fait des études d'infirmière. Ce choix s'est d'ailleurs plus que confirmé lorsque j'ai travaillé 2 mois dans un service d'oncologie : si je pouvais éviter cette étape, alors je ferai tout mon possible pour.
Arrive avril 2024, mon opération tant attendue. Pour moi, c'était le début de la fin, mais je ne savais pas encore que ce n'était finalement qu'un début, celui d'un combat psychologique.
Je vous invite d'ailleurs à regarder cette vidéo qui retrace ce qui s'est passé
avant l'opération jusqu'à mon retour à domicile :
Mais ensuite, arrive tout le reste et même si je n'ai jamais douté de mon choix, ça a été difficile.
J'ai perdu toute sensibilité au niveau de la poitrine, partout. Lorsque j'ai vu ma poitrine pour la première fois, ça a été un choc, j'ai fait un malaise. Physiquement c'était "ok" mais mon cerveau a réalisé qu'il ne sentait plus rien et ça a été très difficile à gérer.
J'avais des soins chaque matin avec des infirmiers à domicile et je ne pouvais pas regarder sinon je tournais de l'œil. En revanche, toujours aucune sensibilité, impossible de savoir où ils en sont au niveau du soin. Il ne se passe rien.
Je me rappelle même un jour avoir eu un retard de cicatrisation, de la fibrine, et la chirurgienne me l'a retiré au scalpel sans aucune anesthésie car : je ne sentais rien et n'ai rien senti... C'est là que je me suis dit que c'était bien pire que ce que j'avais pu imaginer.
Après plusieurs semaines à hésiter et ne pas me sentir légitime, j'ai quand même fait les démarches pour aller voir la psychologue de l'Institut, spécialisée dans l'oncogénétique. C'est terrible de ne pas se sentir légitime de demander de l'aide parce que tu n'as pas eu de cancer. T'as l'impression de ne pas avoir le droit d'être au fond du trou car tu as eu la chance de déjouer la maladie avant qu'elle risque de se pointer un jour. Mais la santé mentale est très importante pour cicatriser et avancer.
A l'heure actuelle, je suis toujours suivie par cette psychologue spécialisée car j'ai encore du mal avec tout ça. Quand j'en parle, je finis en larmes sans trop savoir pourquoi et j'aimerais pouvoir être en paix.
Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur le post-chirurgie, je vous propose de regarder cette vidéo :
Dernier point non négligeable, lorsque cette chirurgie est réalisée, par la suite il nous ait proposé une chirurgie réparatrice : un lipomodelage. En gros, le résultat n'est pas très beau après une mastectomie. On te retire tout ce qui se trouve dans ton sein et on y met une prothèse. Et ça donne des formes... Pas très esthétiques... Autant vous dire que c'est déjà compliqué psychologiquement alors avoir un résultat qui fait des sortes de "vagues", ça n'aide pas à avancer.
J'ai donc eu 2 lipomodelages entre décembre 2024 et juillet 2025. Je vous épargnerai l'anesthésie générale que mon corps ne supporte absolument pas... Un enfer sur Terre pendant 1 semaine.
À l'heure actuelle, le résultat est loin d'être parfait, et il ne le sera probablement jamais. Je suis allée au maximum de mes capacités mentales et je me suis faite une raison : un corps n'est jamais parfait et il faut l'accepter.
Et les ovaires dans tout ça ? Eh bien, c'est une autre aventure. Pour le moment, aucun examen préventif existe, ce cancer est donc découvert une fous bien en place...
Au vue de ma mutation, je vais passer au bloc à 40 ans pour les retirer et éviter une mauvaise surprise. En attendant, je vis avec le doute qui plane au-dessus de ma tête. J'essaie de ne pas vraiment y penser, de guérir de ma première opération, mais anxieuse comme je suis, ce n'est pas tous les jours facile. Cependant, je me suis déjà évité un risque et je ne pouvais pas me faire meilleur cadeau.
Pourquoi je vous raconte mon histoire ? Tout simplement pour vous rappeler de faire attention à vous, de penser à vous auto-palper régulièrement, à prendre rendez-vous chez le gynécologue afin de faire un chek-up, au moins une fois par an et ne pas laisser de doute planer. Consultez.
Avoir peur, c'est normal, mais le prendre à temps, c'est augmenter ses chances de guérison.
Prenez soin de vous !
À très vite,
Léopoldine